The Ultimate Photographer’s Show: Garry Winogrand at Jeu de Paume (Une exposition du photographe par excellance: Garry Winogrand au Jeu de Paume)

Christine Kuan
Oct 9, 2014 6:37PM

Garry Winogrand is one of the great photographers of American life, alongside his contemporaries Diane Arbus and Robert Frank. Born in 1928, Winogrand captured America through the turbulent 1960s—from politicians and members of New York’s high society to the homeless in Santa Monica and the suburbs of New Mexico—showing the fissures and cracks in American culture. Winogrand was astoundingly prolific, shooting thousands of rolls of film in his final years and never stopping to develop or print any of them. In 1984, he died suddenly at the age of 56. Until this year, no exhibition or publication has attempted to present the full range and depth of Winogrand’s vision. Leo Rubinfien, curator of the new Winogrand retrospective at the Jeu de Paume, is an American photographer and essayist who studied with Winogrand. I had the pleasure of talking to Rubinfien in his New York apartment about Winogrand’s unique photographic style, his Walt Whitman-esque love of life, and what he might make of Instagram today.

Garry Winogrand est un des grands photographes de la vie américaine, aux côtés de ses contemporains Diane Arbus et Robert Frank. Né en 1928, Winogrand a saisi les Etats-Unis à travers la décennie tourmentée des années 1960 – des hommes politiques et membres de la haute société de New York aux sans-abri de Santa Monica jusqu’aux banlieues de New Mexico – pour montrer les fissures et brèches de la culture américaine. Winogrand fut incroyablement prolifique, il usa des milliers de pellicules photographiques dans les dernières années de sa vie et ne cessa jamais de les développer ou de les imprimer. En 1984, il mourut subitement à l’âge de 56 ans. Jusqu’en 2014, aucune exposition ou publication n’avait tenté de présenter l’étendue et la profondeur de sa vision. Leo Rubinfien, commissaire de la nouvelle rétrospective qui lui est consacrée au Jeu de Paume, est un photographe et essayiste américain qui suivit l’enseignement de Winogrand. J’ai eu le plaisir de discuter avec lui dans son appartement new-yorkais du style photographique unique de Winogrand, de son amour de la vie digne de Walt Whitman et de ce qu’il aurait pu penser d’Instagram aujourd’hui.

Christine Kuan: This is a tremendous show exploring Winogrand’s depth and complexity in ways no previous show or book has done. How did you go through 20,000 contact sheets to curate the exhibition? I was picturing you in the dark room in Arizona.

Leo Rubinfien: I’m not a professional curator, but going through contact sheets and editing raw work is something that one does as a photographer all the time. Winogrand’s work had been left in a very unfinished state, and I think it would have been difficult for most curators to approach that. Curators tend to think more about how you take a piece or a body of work and fit it into a canon, or about how to understand it in terms of what a larger culture is doing, but working out the meanings of Winogrand’s work—because he had died so young and so suddenly and hadn’t done it very conclusively himself—it’s very time-consuming. Any curator who’s running a museum department is not going to be able to set his or her responsibilities aside for that. There’s also a certain amount of hesitation on the part of professional curators to intervene in what are thought to be the editorial decisions an artist originally made, perhaps a greater hesitation than I felt. I didn’t go back and forth to Tucson all that much, by the way. The Center for Creative Photography scanned everything and sent it to me on DVDs so that I could edit it anywhere. I could be in India or here in New York or on an airplane. I did it bit by bit over about three years. There was sort of a mad rush at the end.

Christine Kuan: Cette exposition est formidable parce qu’elle explore la profondeur et la complexité de Winogrand d’une manière inédite. Comment avez-vous fait pour parcourir 20000 planches-contacts afin de monter cette exposition ? Je vous imagine dans la chambre noire du Center for Creative Photography à Tucson dans l’Arizona.

Leo Rubinfien: Je ne suis pas conservateur de métier mais n’importe quel photographe passe son temps à parcourir des planches-contacts ou à éditer un travail brut. L’œuvre de Winogrand était restée très inachevée, et je crois que la plupart des conservateurs auraient eu du mal à se l’approprier. Les conservateurs ont tendance à réfléchir à la manière dont une œuvre ou un corpus d’œuvres peuvent s’insérer dans un canon ou à les interpréter en fonction de leur inscription dans une culture plus large, mais comprendre le sens de l’œuvre de Winogrand prend énormément de temps, parce qu’il est mort si jeune et si brutalement et parce qu’il ne l’avait pas fait lui-même de manière très aboutie. Un conservateur de musée n’a pas le temps de mettre son travail de côté pour s’y consacrer. Beaucoup de conservateurs professionnels hésitent aussi à revoir les décisions éditoriales prises à l’origine par un artiste, en tout cas leur hésitation est plus grande que ne le fut la mienne. D’ailleurs, je n’ai pas fait tant d’allers-retours que cela à Tucson. Le Center for Creative Photography a tout scanné et m’a tout envoyé sur des DVD pour que je puisse travailler n’importe où. Que ce soit en Inde ou ici, à New York, ou dans un avion. J’ai fait ce travail petit à petit en trois ans à peu près. Je me suis engagé dansune sorte de course folle pour tout finir.   

CK: You knew Winogrand and studied with him. What was he like?

LR: Winogrand was a man who liked younger people and he had many younger friends, and wives much younger than he. I think he must have loved the energy of young people, being an almost endlessly energetic man himself. So he had a lot of protégés; I was one of them. There was nothing extraordinary in that—lots of Winogrand’s friends are around today. As a matter of fact, though, I was never a student of his, in the formal sense, at a college or an art school.

CK: Vous avez connu Winogrand et étudié auprès de lui. Pouvez-vous m’en parler?

LR: Winogrand était un homme qui aimait les gens plus jeunes que lui, il avait beaucoup d’amis plus jeunes et des compagnes beaucoup plus jeunes que lui. Je crois qu’il aimait l’énergie des jeunes, lui qui était quasiment inépuisable. Il avait donc beaucoup de protégés ; j’en faisais partie. Cela n’avait rien d’extraordinaire – beaucoup de ses amis sont encore là aujourd’hui. Mais à vrai dire, je n’ai jamais été son élève au sens strict, à l’université ou dans une école d’art.

CK: Did you learn something new about his work in assembling this show?

LR: Absolutely. The work was left in such an incomplete state that even those of us who really loved and admired it had been going partly on instinct. His enthusiasts imagined that if you took this picture and put it together with this and that one, they would add up in a certain way. But they had never really been added up; that book and show didn’t exist. The nearest thing to a comprehensive view of the work was the slideshows Winogrand used to give when he would tour around colleges. It was this thrilling, epic picture of American life that he would unroll before you. So I went on faith to a certain extent, and what I discovered in the end is that he was even deeper than I had known—that what he had to tell us about American life and the absurd and tragic contradictions that animate us—runs very deep. I always believed it did, but working on this project I was able to see it very clearly. I think everybody knew that he had left behind a great amount of unfinished work that he had done later in his life—work he had never actually seen—but nobody knew that much about his early work. Much of it had been set aside and, for practical purposes, forgotten. So for me it was a great discovery to find that the early work was as extensive and as rich as it was.

CK: Avez-vous appris quelque chose de nouveau de son œuvre en montant cette exposition?

LR: Absolument. On a retrouvé une œuvre si inachevée que même ceux qui l’aimaient et l’admiraient le faisaient en partie par instinct. Les vrais enthousiastes s’imaginaient qu’en plaçant telle photo avec telle autre puis encore avec une autre, leur assemblage donnerait quelque chose. Or, personne ne les avait vraiment assemblées, ni dans un livre ni dans une exposition. Ce qui donne la vision la plus exhaustive de l’œuvre de Winogrand ce sont les diaporamas qu’il montrait lorsqu’il était en tournée dans les universités. Il déroulait sous vos yeux l’image palpitante et épique de la vie américaine. Dans une certaine mesure mon admiration pour son travail relevait donc de la foi, et puis j’ai finalement découvert qu’il avait une dimension encore plus profonde que ce que je croyais et que ce qu’il avait à nous dire sur la vie américaine et les contradictions absurdes et tragiques qui nous animent avait quelque chose de très profond. J’y ai toujours cru mais le travail que j’ai mené pour ce projet me l’a fait apparaître très clairement. Je crois que tout le monde savait qu’il laissait derrière lui une œuvre en grande partie inachevée, de la fin de sa vie – un travail qu’il n’avait en fait jamais vu – mais personne ne connaissait très bien le début de son œuvre. La plupart de cette période avait été mise de côté et oubliée, pour des raisons pratiques. Ce fut une grande découverte pour moi de trouver dans le début de son œuvre quelque chose d’aussi considérable et d’aussi riche.

CK: Winogrand rejected a number of commercial assignments, even though he often needed the money. He really wanted that freedom of not taking on commercial assignments. Can you talk a bit more about his views on commercial work?

LR: He detested the commercial after a certain point in his life; [he] found it false. If I had to characterize the single quality in him that was most precious to me, it would not be his energy—even though that was great and people often speak about it—it would be his honesty, which was relentless. I think that he saw photojournalism and advertising as two different systems of lies that you were expected to tell in return for money. He didn’t take either of them seriously.

CK: Winogrand a refusé nombre de sollicitations publicitaires alors qu’il avait souvent besoin de l’argent qu’on lui proposait. Il tenait vraiment à cette indépendance. Pouvez-vous me parler de son point de vue sur la publicité?

LR: Il a détesté la publicité à partir d’un certain moment dans sa vie ; il la trouvait fausse. Si je devais citer une seule de ses qualités, celle qui m’était la plus chère, ce ne serait pas son énergie – même si elle était géniale et même si les gens en parlent souvent – mais son honnêteté qui était sans concession. Je crois qu’il voyait le photojournalisme et la publicité comme deux systèmes différents de mensonges qu’on est censé formuler contre de l’argent. Il ne prenait aucun des deux au sérieux.

CK: You mention also that his contemporaries Robert Frank and Diane Arbus, as well as others, were much more well-known than Winogrand was during his lifetime. What is it about his photographic style that is more difficult to piece together?

LR: Well, there is great consistency in the work of both of those two people. I think there is also great consistency in Winogrand, but it’s a different kind of consistency. It doesn’t have to do with photographing the same types of subject over and over again.

CK: Vous rappelez aussi que ses contemporains Robert Frank et Diane Arbus, comme d’autres, étaient beaucoup plus connus que ne le fut Winogrand de son vivant. Qu’est-ce qui rend son style photographique plus difficile à assimiler?

LR: Eh bien, il y a une grande cohérence dans l’œuvre des deux personnes que vous citez. Je crois que Winogrand a aussi une grande cohérence mais différemment. Son travail ne consiste pas à photographier le même type d’objets inlassablement.

CK: I feel like there’s a consistency of energy. You talk about this Whitman-esque, Melville-like approach, and I really feel it in the show. It has this expansive, grand vision of American history and culture.

LR: There’s a consistency of energy, and a consistency of attitude and inquiry. So Winogrand is going through the world asking a million questions, you know—“What is this?” and “What are you?” and asking them with great urgency—and that runs through all the work. When you start to understand that it is his point of view that characterizes him, rather than some mannerism that he has contrived, or some peculiar subject he has cornered for himself, he doesn’t seem complicated and difficult anymore. But I don’t think the books that he put out during his life got to the core of him, because each one focused on a very specific subject: beautiful women, animals, rodeos, etc. And these are just sub-themes within a much bigger exploration. I don’t think he would consider any of them a fair rendering of what he was doing on a large scale.

CK: J’ai l’impression qu’il y a une cohérence dans l’énergie. Vous avez parlé de son approche à la Walt Whitman ou à la Herman Melville et je l’ai vraiment ressentie dans l’exposition. On y trouve cette grande et vaste vision de l’histoire et de la culture américaine.

LR: Il y a une cohérence dans l’énergie ainsi que dans l’attitude et dans la recherche. Winogrand parcourt le monde en posant un milliard de questions comme « Qu’est-ce que c’est ? » ou « Qu’êtes-vous ? » et il les pose avec une grande acuité – cette attitude traverse toute son œuvre. Quand on a compris qu’il se définit non pas par un maniérisme qu’il se serait inventé ou par un sujet particulier qu’il se serait réservé pour lui seul mais par son point de vue propre, il ne paraît plus compliqué ni difficile à comprendre. Mais je ne crois pas que les livres qu’il a publiés de son vivant disent l’essence de son œuvre car ils se concentraient tous sur un sujet très précis : les belles femmes, les animaux, les rodéos, etc. Et ce ne sont que des sous-thèmes dans une quête beaucoup plus vaste. Je ne pense pas qu’il penserait qu’un seul d’entre eux rende justice à ce qu’il essayait de faire à une échelle plus grande.

CK: This is showing a very raw America, a side of America that hasn’t been stylized into dark shadows and all that.

LR: I would say that he’s asking of this country whether there is anything holding it together, or whether it is just a vast collection of appetites. Of course, being an artist, Winogrand aestheticizes just as much as anyone, but he aestheticizes in his own way. And he makes us believe that we’re getting more of true, unmediated reality. And maybe that’s an illusion, but it’s an illusion that we accept.

CK: Il a essayé de montrer une Amérique très brute, un aspect de l’Amérique qui ne se retrouve pas simplement dans des images sombres et obscures. 

LR: Je dirais qu’il sonde ce pays pour savoir s’il y a quelque chose qui le soude ou s’il n’est qu’une grande collection d’appétits. Bien sûr, en tant qu’artiste, Winogrand met en place une vision esthétique comme un autre, mais il le fait à sa manière. Et il nous fait croire que nous avons accès à une réalité plus immédiate et vraie. C’est peut-être une illusion, mais c’est une illusion que nous acceptons.

CK: New York magazine’s Jerry Saltz reviewed the show and loved it. He talks about the proliferation of snapshots, because people take photos all the time with their phones. But while Winogrand’s works look like snapshots, they are actually very constructed and have a powerful impact in a different way than Instagram shots do.

LR: The amateur photographs that you see on the internet, to me, are often better than the amateur work of 30 years ago. I think a kind of photographic literacy has developed. You go to Instagram and see many more strong photographs than you saw in peoples’ snapshot collections in the past, but the practice of a dedicated artist is an entirely different thing. It’s not just about getting a good picture; that’s only a small part of it. An artist, a poet, is concerned with working out a path of perception, understanding, and feeling—as one moves through one’s life and the world—over a long period of time. It’s the path you follow that characterizes you, not the one extraordinary picture that you managed to get. The number of people who make a journey like that and do it truthfully and deeply and persistently is small. Instagram, the ease with which it’s possible to make pictures now, and the huge number that are being made, have very little to do with that. People often say “doesn’t the fact that there are so many photographs now change everything?” Well no, I mean, there are a lot more words out there than there used to be too and blathering is still blathering, and poetry is still rare. (laughs)

CK: Jerry Saltz du New York Magazine a publié une critique de l’exposition et l’a adorée. Il évoque la prolifération des clichés instantanés, puisque les gens prennent des photos tout le temps avec leurs téléphones. Même si les œuvres de Winogrand ressemblent à des instantanés, elles sont en fait très construites et ont un effet puissant différent des clichés d’Instagram.

LR: A mon avis, les photographies d’amateurs qu’on trouve sur Internet aujourd’hui sont souvent meilleures que les œuvres d’amateurs qu’on pouvait voir il y a trente ans. Je crois qu’une éducation photographique s’est développée. Sur Instagram on voit beaucoup plus de photographies frappantes qu’on en voyait dans les collections d’instantanés par le passé mais la pratique d’un artiste assidu est encore quelque chose de complètement différent. Il ne s’agit pas seulement de prendre une bonne photo ; ça, ce n’est qu’une petite partie du travail. Un artiste, un poète, à mesure qu’ils avancent dans la vie et dans le monde, ont le souci de tracer une voie de perception, de compréhension et de sentiment sur le long terme. C’est la voie que vous suivez qui définit votre travail, non pas la photo extraordinaire que vous avez réussi à prendre. Il y a peu de gens qui font ce chemin avec authenticité, profondeur et constance. Instagram, la facilité avec laquelle on peut maintenant prendre des photos et le très grand nombre de photos qui sont prises n’ont pas grand-chose à voir avec tout ça. Les gens disent souvent : « Le fait qu’il y ait maintenant tant de photographies ne change-t-il pas tout ? » Eh bien non, si on compare, il y a beaucoup plus de mots qu’il n’y en avait, et on ne dit pas moins de bêtises pour autant et la poésie est toujours rare. (rires)

CK: Absolutely. I think this is the ultimate photographer’s show, and you’re a photographer. It has a very different feeling than a lot of photography shows you see in museums because it is curated by a photographer.

LR: Well, I’m touched to hear you say that. Being a photographer, I’m acutely conscious of all the years photography was considered a second-class art. And it doesn’t matter if a few art-star photographers are able to earn gazillions—photography is still, as a whole, considered a second-class art. When you enter the discussion of why it is regarded that way, people say all sorts of things. People will say “photographs are small, they don’t hold the wall,” or “Photography doesn’t have the long tradition of painting.” The classical argument against photography is, “It’s mechanical! A machine did it. No life, no spirit.” I think all of these ideas are wrong. Photographs can be extraordinary; it’s true that most of them are mechanical, lifeless, inert, but the ones that aren’t lifeless are full of life. As to tradition, whoever said that one’s artistic tradition is limited to that of one’s own medium? One’s influences include music, film, writing, dreams, conversations, all kinds of things. All of them feed into one’s work. In the end, if you ask the underlying question, “Is photography a noble medium?”—well, it’s only as noble as the people who use it; it’s only as noble as what they do with it. In the case of Winogrand, here’s a man of enormous intelligence and deep feeling, working as hard as he could for many years to achieve photographs that might somehow give back what he put into them, and that reflected his own force of spirit and perception. The work really does assert the nobility of photography—really, it says that it’s not photography that’s noble, but the human being, the many human beings who have turned to it. I love Winogrand’s work because it so relentlessly insists that we must perceive truthfully. And it shows that photography is one instrument you can use to do this. How could anyone deny it after seeing these pictures? It’s right there.

CK: Absolument. Je crois que cette exposition est typiquement celle d’un photographe, et vous êtes photographe vous-même. Cette exposition dégage quelque chose de différent de la plupart des expositions de photographie qu’on peut voir dans des musées précisément parce qu’elle a été montée par un photographe.

LR: Eh bien, je suis ému de vous l’entendre dire. En tant que photographe, ma mémoire de toutes les années où la photographie était considérée comme un art de seconde zone est très vive. Et peu importe que quelques photographes stars arrivent à gagner des milliards – dans l’ensemble, la photographie est toujours perçue comme un art de seconde zone. Quand vous discutez de cette perception, les gens avancent toutes sortes d’arguments. Ils diront : « les photographies sont petites, elles ne font pas le poids» ou « La photographie n’a pas la longue tradition de la peinture. » L’argument classique contre la photographie c’est : « C’est mécanique ! Une machine l’a fait. Il n’y a pas de vie, pas d’esprit. » Je crois que toutes ces idées sont fausses. Des photographies peuvent être extraordinaires ; c’est vrai que la plupart d’entre elles sont mécaniques, sans vie et inertes mais celles qui ne le sont pas sont pleines de vie. Pour ce qui est de la tradition, qui a dit qu’une tradition artistique se limitait à celle de son propre moyen d’expression? Les influences d’un artiste comprennent toutes sortes de choses, la musique, le cinéma, la littérature, les rêves, les conversations. Toutes ces choses nourrissent son travail. En fin de compte, s'il faut répondre à la question sous-jacente : « la photographie est-elle un moyen d’expression noble ? » - eh bien, je dirais qu’elle est aussi noble que les gens qui s’en servent et que ce qu’ils en font. Quant à Winogrand, voilà un homme d’une immense intelligence et d’une profonde sensibilité qui a travaillé autant qu’il a pu pendant des années pour obtenir des photographies susceptibles d’être à la hauteur de sa tâche et de refléter la force de son esprit et de sa perception. Son œuvre démontre la noblesse de la photographie – elle affirme vraiment que ce n’est pas la photographie en soi qui est noble, mais l’être humain et tous les êtres humains qui s’y sont consacrés. J’aime l’œuvre de Winogrand parce qu’elle ne cesse d’insister sur le fait que nous devons percevoir authentiquement les choses. Et elle montre que la photographie est un instrument dont on peut se servir pour cela. Qui pourrait le nier après avoir vu ses photos ? C’est là, sous nos yeux.

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Leo Rubinfien is an American photographer and essayist. He lives and works in New York City. Rubinfien is represented by the Steven Kasher Gallery, New York, and the Taka Ishii Gallery, Tokyo.

Garry Winogrand” is on view at the Jeu de Paume October 14, 2014–February 8, 2015. Prior to its presentation at the Jeu de Paume, “Garry Winogrand” was on view at The Metropolitan Museum of Art (June 27 – September 21, 2014), SFMOMA, and the National Gallery of Art, Washington, D.C. (March 2 – June 8, 2014). Following its showing in Paris, it will be on view at the Fundación MAPFRE, Madrid (March 3 – May 10, 2015).

Leo Rubinfien est un photographe et essayiste américain. Il vit et travaille à New York. Il est représenté par la Steven Kasher Gallery à New York et la Taka Ishii Gallery à Tokyo.

L’exposition “Garry Winogrand” se tient au Jeu de Paume du 14 octobre au 8 février 2015. Auparavant, elle a été présentée à The Metropolitan Museum of Art (27 juin – 21 septembre 2014), au SFMOMA et à la National Gallery of Art, à Washington, D.C. (2 mars – 8 juin 2014). Après Paris, elle sera présentée à la Fundación MAPFRE à Madrid (3 mars – 10 mai 2015).

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Photos of Leo Rubinfien with Erin O'Toole and Christine Kuan at Winogrand opening at Jeu de Paume on October 12, 2014.

Christine Kuan